La décroissance est un ensemble d’idées qui rejettent l’objectif, en tant que tel, d’une augmentation du taux de croissance économique, dont certains prônent même une réduction contrôlée, sur le principe qu’un taux de croissance constant n’est pas possible. Explications.
La croissance économique n’est pas durable dans un monde fini
Résumons l’économie à la production de voitures. Si un pays à 2% de taux de croissance (grosso modo la France avant la crise économique de 2008) produit 1 000 000 voitures en 2000, elle devrait produite
– 2 010 : 1,2 millions de voitures
– 2 050 : 2,7 millions de voitures
– 2 100 : 7,2 millions de voitures
– 2 200 : 52 millions de voitures
– 3 000 : 400 000 milliards de voitures
On comprend dès lors le caractère insoutenable d’une croissance sur une période longue, même avec un taux de croissance faible. Prenons maintenant l’exemple de la Chine, qui croit de 10% par an. Si elle produisait 1 000 000 de voitures en 2000, elle devrait en produire, si la production croît de 10% par an
– 2 020 : 6,7 millions de voitures
– 2 050 : 117 millions de voitures
– 2 100 : 14 milliards de voitures
– 2 200 : 200 000 milliards de voitures (200 000 par Chinois et par an)
Les dangers de l’effet rebond
Certes, les taux de croissance élevé de pays comme la Chine sont le reflet d’un rattrapage (à l’instar de la France durant les « 30 glorieuses ») et le taux de croissance a tendance à se tasser avec le temps. Mais pour autant, même un taux de croissance faible comme en France (1 ou 2% par an) est insoutenable sur le long-terme. 0,1% de croissance annuelle revient à multiplier par 3 les richesses en 1000 ans ; 1% revient à les multiplier par 21 000.
Certes, les innovations technologiques améliorent l’efficacité des usines, des voitures, du chauffage domestique… Mais en raison de l’effet rebond, la majorité des gains qualitatifs se perdent en consommation quantitative. Dit autrement, si votre nouvelle voiture consomme 1 litre aux 100 en moins que votre ancienne voiture, vous en profiterez pour rouler encore plus, et au final, bien que votre voiture soit peu gourmande en carburant, vous polluerez autant sinon plus qu’avec votre ancienne voiture.
Une croissance qualitative plutôt que quantitative
Des produits apparaissent et d’autres disparaissent, et la croissance a tendance à privilégier la demande en services, qui représentent aujourd’hui 80% de richesses produites en France et consomment peu de matières premières au contraire de l’industrie. Un fait marquant est que dans les pays riches, la consommation d’électricité décroit chaque année depuis 2007 alors même que le PIB continue à grandir…
La croissance qualitative est possible et est sans limite au contraire de la croissance quantitative. On peut gagner 10% de croissance en vendant 10% de plus, ou en produisant la même quantité de biens, mais vendus 10% plus cher. D’un point de vue environnemental, mieux vaut vendre 1 Rolex à 10 000€ que 1000 montres d’entrée de gamme à 10€…
Mais il est difficile de penser que la croissance actuelle soit purement qualitative. D’autant plus qu’avec la crise économique, les produits d’entrées de gamme explosent, ce qui est à l’opposé de la croissance qualitative…
Résumons: L’économie capitaliste et les sociétés occidentales font reposer leur prospérité sur la base d’une croissance économique, qui n’est absolument pas durable sur le long-terme autrement qu’une croissance à 100% qualitative, ce qui n’est pas le cas actuellement. Le taux de croissance engendrant une production exponentielle, cela revient à dire qu’on court de plus en plus vite droit vers le mur que constitue les limites de notre environnement.
Face à cet enjeu, de plus en plus de personnes s’opposent à l’idée de la croissance nécessaire au bonheur: ce sont les objecteurs de croissance.
Objecteurs de croissance
Les objecteurs de croissance, s’opposent aux défenseurs du développement durable lorsque celui-ci ne remet pas en cause l’idéal de croissance, pour les raisons évoquées ci-dessus, mais aussi dans la mesure où la production de richesse implique une destruction du capital naturel, ce capital étant épuisable.
Ils préconisent une simplicité volontaire où l’avoir est remplacé par l’être et où le nécessaire remplace le superflu. Quelques grands axes de développement sont:
– Mieux vaut louer, emprunter ou prêter un objet plutôt que de l’acheter.
A titre personnel, j’adore le ski alpin et en fait depuis plus de 10 ans. Mais je n’ai jamais acheté la moindre paire. Pourquoi faire? Acheter une paire de ski implique beaucoup d’argent (600 euros la paire), mais aussi du matériel de transport, devoir prendre la voiture pour aller au ski, avoir de la place pour stocker les skis… Toute cette logistique est disproportionnée pour un matériel que j’utilise au mieux 1 semaine par an. Pour cette raison, je préfère louer. Cela revient moins cher, le matériel est toujours neuf et c’est bon pour l’environnement.
– Mieux vaut acheter des produits plus chers mais plus durables qu’acheter des objets jetables bas de gamme suivant la mode et les publicités.
– Le vrai bonheur (amour, santé, passion, amitié…) ne s’achète pas. Au final, on n’a pas besoin d’avoir une grosse voiture ou un gros appartement pour être heureux.
Les décroissants suggèrent également une relocalisation de l’économie au plus près des besoins, notamment pour réduire les émissions de polluants des transports.
En clair, les décroissants ne sont pas des communistes ni des fans de la crise économiques, mais des personnes qui ont une réflexion sur la recherche du bonheur, afin que la consommation et la croissance soient plus raisonnées et au service de la société au lieu d’une croissance prédatrice des ressources naturelles et génératrice d’inégalités.
Lecture complémentaire: Décroissance et simplicité volontaire
Objectifs de la décroissance
Le but est à la fois de limiter le réchauffement climatique, l’épuisement des matières premières, lutter contre les maladies des temps modernes (maladies respiratoires, obésité…), d’autant plus que, pour certains de ses partisans, l’arrêt de la croissance sera, tôt ou tard, imposé par la raréfaction des ressources naturelles, en particulier des ressources en énergie (pétrole, gaz, charbon et uranium). Mieux vaut selon eux agir maintenant et limiter les risques qu’attendre d’être au pied du mur avec les conséquences sociales, environnementales qui en découlent.
Décroissance et pays peu développés
Certains tenants de la décroissance envisagent une croissance pour les zones peu développées (dans la mesure où 80% des humains consomment 14% de la consommation mondiale) et les communautés et individus les plus pauvres, mais considèrent que le processus n’est pas « durable » : un développement durable impliquerait de toujours différencier le développement qualitatif et humain des aspects matériels limités par leur consommation de ressource.
Pour atteindre ce but, il faut relocaliser les économies, ce qui limite la consommation de matières premières et permet dans les pays les plus pauvres de développer une industrie locale. Il faut également faire profiter les zones pauvres des dernières innovations en matière d’efficacité énergétique et écologique afin qu’ils ne passent pas de l’étape « sous-développé » à « développé » en passant par la case « charbon, pétrole »… Certains évoquent même la notion de « remboursement de la dette écologique », dans une vision de développement solidaire.
Cet article est désormais terminé. j’espère qu’il vous a plu et à bientôt sur eco-malin.com
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