Les carburants de première génération ne sont pas la solution au tout-pétrole en tant que tel. En cultivant du colza et du maïs, il faudrait couvrir 5 milliards d’hectares*, soit… 3 fois plus que toutes les terres cultivées de l’ensemble de la planète. Impossible. Pire: couvrir ne serait-ce qu’une partie des terres arables en colza ou en maïs pour produire des biocarburants fait diminuer mécaniquement la production agricole, ce qui fait augmenter (loi de l’offre et de la demande oblige) les prix agricoles, au détriment des consommateurs des pays pauvres. Ce n’est pas purement théorique, le Mexique a notamment souffert de la hausse du prix des tortillas, aliment de base de beaucoup de Mexicain en 2007 – en raison de l’engouement des biocarburants aux USA.
Potentiel des biocarburants
Si les biocarburants de première génération sont insatisfaisant en tant que tel, en revanche, leur potentiel n’est pas négligeable. Il existe des plantes qui poussent en zone aride et qui ne concurrencent pas la production agricole. C’est le cas par exemple de Jatropha curcas, qui produit jusque 2 000 litres d’huile par hectare et par an.
Fruits de Jatropha curcas
Des biocarburants au service de la lutte contre la désertification
Sa culture (réalisée de manière éco-responsable) permet idéalement de lutter contre la désertification et ne concurrence par les cultures vivrières. S’il ne constitue pas une solution en soi (potentiel de production limité) il peut être utile. En couvrant 2,5 millions de km² de terres arides (environ 1,5% des terres émergées) de terres arides, on lutterait contre la progression du désert et on arriverait à produire 8,5 millions de barils par jour, soit 10% de la consommation mondiale de pétrole (autant que les exportations de l’Arabie Saoudite). Cela ne résout que 10% du problème pétrolier, mais ce serait déjà une avancée majeure.
D’autres plantes en faveur des biocarburants
Pongamia pinnata (ou Karanj) est un arbre à croissance rapide, très résistant à la sécheresse, qui pousse en plein soleil, sur des sols difficiles, même sur des sols salés, et producteur d’huile. L’Inde, qui souhaite mélanger 20 % de biocarburants dans les carburants traditionnels en 2017, encourage actuellement fortement la plantation de cet arbre, tout comme le Jatropha, dans les zones impropres aux cultures traditionnelles. Les rendements moyens peuvent atteindre jusque 1,7 tonne d’huile et 5,3 tonnes de cakes par hectare et par an à partir de la dixième année. D’autres espèces oléifères cultivables en zone aride offrent également des perspectives intéressantes : Mahua, Saijan, … Cela permet de concevoir de planter des forêts de Mahua, Saijan, Karanj efficaces en terme de production d’huile tout en étant mieux pour l’eco-système qu’une monoculture.
Biocarburant Diméthylfurane
Un nouveau carburant liquide découvert par une équipe de l’université du Wisconsin, le diméthylfurane, produit grâce à la transformation de l’amidon, serait 40% plus efficace que l’éthanol.
Application des biocarburants. Exemple de l’aviation
Un avion de ligne moyen-porteur consomme une énergie de l’ordre de 80 MW** (l’équivalent de la consommation en électricité d’une ville comme Avignon). Même avec des panneaux solaires à 100% de rendement, il faudrait des ailes grandes comme 6 stades de foot pour fournir une telle énergie. Sauf à alléger les avions, améliorer les rendements…, la seule voie possible pour aller vers des avions écolo est l’utilisation de biocarburant. Virgin, et son charismatique patron Sir Richard Branson, l’ont bien compris en faisant voler en 2008 un avion utilisant partiellement du carburant dérivé d’une mixture de noix de babassu du Brésil et de noix de Coco (source : Enerzine). D’autres essais ont suivi (50% kérosène, 50% jatropha ; 50% kérosène ; 50% biocarburant à base d’algues) comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous:
À chaque fois, les mélanges se sont comportés sans altérer le fonctionnement des moteurs, et ont même permis une légère baisse de consommation de 1 à 2%. L’objectif à terme est d’obtenir la certification de mélanges kérosène/biocarburant en 2010 et de biocarburants purs en 2013.
L’enjeu est de taille : le biocarburant à base de jatropha émet 75% de gaz carbonique de moins que le kérosène sur l’ensemble de son cycle de vie (incluant le CO2 absorbé par les plantes dans leur croissance), pour un prix de revient de 80$ le baril, similaire au prix du baril (78$) au 22 juin 2010.
Avec des algues au rendement de 30 tonnes / hectare au minimum, il suffirait de 12 km² de plantations (soit 36 millions de litres par an) pour alimenter un avion moyen-courrier faisant l’aller retour permanent*** entre Paris et New York. Sachant qu’on estime qu’il y a 20 000 avions de ligne dans le monde (Source: Planetoscope), il suffirait de couvrir un territoire de 250 000km² (0,2% des terres émergées) pour couvrir les besoins de l’aéronautique. Beaucoup, mais largement moins que les terres arides inexploitées actuellement.
Synthèse
Les biocarburants ont, comme toute chose de la vie, des avantages et des inconvénients, mais leur potentiel sur le long terme (biocarburants de seconde et troisième génération, terrains arides, progrès technologiques…) sont énormes, et peuvent être une des clés (avec les économies d’énergie, l’énergie solaire…) de la crise énergétique qui s’annonce.
Cet article est désormais terminé. J’espère qu’il vous a plu et je vous souhaite une bonne visite sur eco-malin.com
Source des calculs
* 5 milliard d’hectares cultivés avec des plantes dont le rendement est de 1000 litres par hectare permettrait de produire 5000 milliards de litres de biocarburants, soit l’équivalent de 86 millions de barils de pétrole aujourd’hui consommés
** Avion 250 places. 850 km/h en vol. Consommation de kérosène : 3,50 litres/100km par passager. 1 litre de kérosène = 11 Kwh. Consommation horaire : 8.330 litres de carburant à l’heure, soit une puissance de 82 MW.
*** Base : 1 AR Paris/New York par jour. 6000 km par trajet. Consommation par trajet : 50 000 litres de carburant, soit 100 000 litres par jour.